À la date du 28 février 2022, le nombre de personnes ayant fui les attaques terroristes au Burkina Faso s’élève à 1 814 283 personnes, dont 61,4% sont des enfants dont des scolaires, selon le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR). Trouvant refuge dans les périphéries des grandes villes du pays dont la capitale Ouagadougou, ces enfants jadis scolarisés dans leur localité se retrouvent traumatisés et souvent sans école. Afin d’accompagner ces enfants, Soulemane Barry, Docteur en Sciences de l’éducation et diplômé d’État en ingénierie sociale, a initié un projet de soutien psycho-scolaire au profit des élèves déplacés internes de Pazani, dans la périphérique de Ouagadougou. Cet accompagnement sera axé sur un suivi psychologique et un appui scolaire. Pour en savoir davantage sur le projet, Anfaso s’est entretenu avec lui.
Anfaso : La plupart des grandes villes du Burkina Faso connaissent depuis quelques années l’arrivée de Personnes déplacées internes (PDI). Comment vous expliquez votre choix d’intervenir au profit des élèves déplacés internes de Pazani ?
Il est vrai que tous les déplacés internes, que ce soit à Ouahigouya, à Kaya, etc. ont besoin de pareilles actions, mais j’ai ciblé Pazani pour une question d’accessibilité, de pertinence et d’efficience du projet. Également, les déplacés de Pazani ont un statut un peu particulier, ils se sont installés contre l’avis du gouvernement qui avait voulu qu’ils restent dans des localités non loin de leurs villages d’origine. Pour cela, ils ne bénéficient pas du même soutien que les personnes qui sont restées dans les sites identifiés et aménagés par le ministère en charge de l’action humanitaire.

Anfaso : D’où vous vient cette idée d’accompagner les enfants scolarisés des PDI dans leur éducation ?
Au regard de la situation dramatique que vit le Burkina Faso avec un nombre important de PDI, et étant dans le social, je me suis dit pourquoi ne pas faire quelque chose. D’autant plus que dans mon parcours le secteur de l’éducation nationale, a été mon premier domaine d’activité. Il est vrai que l’État les accompagne comme il peut, mais avec des moyens limités. Aujourd’hui, le ministère de l’éducation nationale a réouvert les classes à une prise en charge de ces enfants déplacés internes. Mais tout se passe comme si de rien n’était. On insère les enfants dans des classes aux effectifs déjà pléthoriques et il n’y a aucune prise en charge psychologique, alors que ces enfants ne sont pas psychiquement prêts à entamer une scolarisation classique. Donc il faudrait plutôt mener des actions d’éducation en situation d’urgence. Mon action est donc un accompagnement des enfants dans l’optique de les aider à retrouver un équilibre psychologique et continuer leur scolarité dans de bonnes conditions.
Anfaso : Comment comptez-vous procéder ?
Nous comptons mettre en place un soutien scolaire à ces enfants qui sont aujourd’hui déscolarisés, même ceux qui ont bénéficié d’un accès à l’école. De nombreux enfants parmi eux ont perdu des parents, ils ont vu des scènes abominables de crime et vivent aujourd’hui avec des traumatismes. En échangeant avec les enfants, j’ai remarqué qu’ils étaient tellement perdus qu’il y en a même qui ont oublié comment ils s’appellent, ni leur âge. Ça devient urgent de mener de telles actions. Je me suis dit que sans ce soutien psychologique, il sera difficile pour ces enfants d’avoir une scolarité normale et d’avoir de bons résultats scolaires.
Nous allons recruter des enseignants formés. Et je l’espère avec le soutien des partenaires, avoir des psychologues qui vont venir accompagner ces enfants. Parce que si nous ne faisons rien à ce niveau, dans cinq à dix ans, c’est une bombe à retardement.
Anfaso : Votre action n’est-elle pas une concurrence de celle de l’enseignement classique qui reçoit déjà les enfants déplacés internes ?
Notre soutien scolaire ne vient pas en concurrence avec l’école classique. Nous venons en soutien à l’école classique. Notre accompagnement se fera en dehors des heures d’école pour ne pas empiéter justement sur l’école classique.